Pourquoi le marché immobilier ancien retrouve des couleurs et celui du neuf boit la tasse

Posté le 14/05/2015
Pourquoi le marché immobilier ancien retrouve des couleurs et celui du neuf boit la tasse

C'est bien embêtant. L'esprit aime trouver une logique qui explique largement le monde et ses phénomènes. Ainsi, on voudrait pouvoir dire que le marché du logement va bien ou va mal, uniformément. Sans doute un ministre lui-même, au chevet du patient, voudrait-il que les choses soient plus simples et qu'une explication explique tout. Ce n'est pas le cas.

Ainsi, le marché du logement neuf ne va pas bien, alors que celui de la revente se porte très correctement. Les chiffres de l'année 2014, les seuls attestés, sont édifiants : une production de logements neufs historiquement mauvais, de l'ordre de 300.000 unités, loin des objectifs et des besoins, situés autour de 500.000, alors que 720.000 ventes d'ancien ont été enregistrées, correspondant à un bon millésime... Sinon à un très bon : de nombreux observateurs s'accordent à reconnaître que les 840.000 opérations de l'année 2011 ne peuvent pas être prises pour toise.

Pourquoi le marché du neuf et celui de l'ancien peuvent-ils être à ce point déconnectés ? Parce que leurs logiques respectives sont différentes. Un point commun : l'objectif d'être en phase avec la solvabilité des ménages, mais deux cheminements bien distincts pour y parvenir.

Le premier marché fonctionne sur une logique industrielle : les coûts, celui du terrain, des matières premières, de la main d'œuvre s'ajoutent, augmentés de la marge bénéficiaire, et tout cela donne un prix de sortie. Ce prix est très difficilement maîtrisable : la charge foncière moyenne est passée en 20 ans de 15 à 35%, avec des pointes à 50 et 60% en zone tendue ; le prix des matériaux est fixé par le marché ; celui de la main d'œuvre est strictement règlementé, et la marge se détériore depuis cinq ans : elle est aujourd'hui de l'ordre de 6% à 8%, là où elle a été double.

Il faudrait préciser que les process de construction se sont alourdis du fait de l'inflation des normes techniques, enchérissant de 15 à 20% le coût de production en 15 ans. Bref, l'équation est devenue insoluble : les prix des logements neufs et les revenus des ménages se sont progressivement éloignés.

Dans le même temps, les aides publiques, qui ont atténué cette distance au cours des dernières décennies, se sont raréfiées et ont perdu du souffle. Leur effet amortisseur a faibli.

Les deux maux les plus terribles, l'augmentation du prix des terrains et le poids des normes, n'en finissent pas de n'être pas résolus. Ils expliquent largement que 20% à 25% des ménages qui voudraient acheter du neuf ne puissent pas le faire et donc ne le fassent pas. Des mesures ont été prises et d'autres le seront, mais les résultats ne sont pas là.

S'agissant de l'ancien, le décrochage des prix par rapport à la solvabilité des ménages était également devenu intolérable, et il a contracté les volumes dès 2012. En revanche, en-dehors de la résistance des propriétaires vendeurs, rien ne s'opposait à ce que les prix proposés ne marquent le pas. Et c'est ce qu'ils ont fait. A cette condition, 2014 a pu être une bonne année pour les transactions. Même les discours terribles sur la loi ALUR n'ont pas eu raison du dynamisme du marché de la revente. Il y a fort à parier en outre que l'ancien a bénéficié d'un report des acquéreurs potentiels de neuf, primo-accédants en tout cas, accédants sans doute, voire investisseurs locatifs.

Dans ce contexte, les discours des professionnels du neuf et de ceux de l'ancien ne peuvent qu'être dissonants. La solidarité qui les unit légitimement ne suffit pas à cacher deux situations et deux équations sans lien économique logique.


 

Henry Buzy-CazauxPrésident de l'Institut du Management des Services Immobiliers

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